L’hégire
Le mot hégire (arabe : هجرة [hiǧraʰ], exil; rupture; séparation) signifie en arabe « émigration » ; le sens de « rupture de liens » est parfois rencontré. Il désigne la journée du 9 septembre 622 où se produit le départ des quelques premiers compagnons de Mouhammad de La Mecque vers l’oasis de Yathrib, ancien nom de Médine.
Cet événement crée une rupture fondamentale avec la société telle qu’elle était connue des arabes jusqu’alors. Mouhammad vient en effet de rompre un modèle sociétal établi sur les liens du sang ( organisation clanique), vers un modèle de communauté de croyance.
Dans ce nouveau modèle où tout le monde est frère, il n’est plus permis de laisser à l’abandon le démuni ou le faible, comme cela était le cas avant.
Bien entendu, les clans puissants de La Mecque vont tout faire pour éliminer cette nouvelle proposition de société diminuant leur pouvoir, mais tellement acceptée par les plus faibles.
De par l’importance de cet évènement, le calendrier musulman démarre à cette date, car c’est à cette date que l’oumma , la communauté musulmane, naît officiellement.
Le calendrier musulman ou calendrier hégirien (hijri) est un calendrier lunaire, l’un des rares du monde moderne encore largement répandu.
Ce calendrier est caractérisé par des années de 12 mois lunaires de 29 à 30 jours chacun (pour être précis : 29,53059 jours solaires).
Une année du calendrier musulman est donc plus courte qu’une année grégorienne d’environ onze jours.
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L’Hégire : sens et enseignements, par Moncef Zenati.
Le nouvel an de l’Hégire commémore l’émigration du Prophète (psl) de la Mecque à Médine. Les musulmans, et à leur tête le calife ‘Omar ibn al-Khattab (que Dieu l’agrée), choisirent cette évènement historique pour marquer le début du calendrier musulman.
Leur choix ne fut pas porté sur la naissance du Prophète (psl) car l’islam n’entretient pas le culte de la personnalité, ni sur les victoires décisives remportées par les musulmans à l’instar de celle de Badr ou de la prise de la Mecque.
Le début du calendrier musulman commence par l’hégire car cet évènement marque la naissance de l’état musulman. La période mecquoise fut celle de la préparation des fondations de cet état. L’importance de cette période est comparable à l’importance des fondations pour l’édifice, bien qu’invisible, il supporte toute la construction, et toute défaillance dans les fondations vacille l’ensemble de l’édifice. Pendant, treize années, le Prophète (psl) va construire ces fondations dont l’édifice s’achèvera par l’instauration de l’état musulman à Médine.
A noter que l’Hégire a eu lieu pendant le mois de Rabi’ I et non pas au cours du mois de Mouharram. Mais ‘Omar (que Dieu l’agrée) et les musulmans autour de lui désignèrent l’année de l’Hégire comme l’année de référence pour le nouveau calendrier musulman en commençant l’année par le mois de Mouharram puisque chez les arabes, ce mois est le premier mois de l’année lunaire.
Le sens de l’Hégire :
Le Prophète (psl) dit : « Point d’émigration après la conquête de la Mecque, à l’exception d’un effort dans la voie de Dieu et d’une intention sincère » (rapporté pat al-Boukhari et Mouslim). Ainsi, la prise de laMecque marque la fin de l’émigration physique. Quel sens a donc l’Hégire de nos jours ?
L’Hégire dont il s’agit est un cheminement vers Dieu, à l’instar du prophète Ibrahim (Abraham) (psl) qui dit : « Moi, je pars vers mon Seigneur et Il me guidera » (Sourate 37, verset 99). L’Hégire est donc tout d’abord un voyage spirituel, passer d’un état à un autre, de l’état d’insouciance à l’état d’éveil, de la désobéissance à l’obéissance, de l’ignorance à la connaissance, de l’égarement à la guidance, transcender du niveau de l’islam vers celui de la conviction de foi « al-iman » et de la conviction de foi vers l’excellence de la foi « al-ihsan ». A chaque musulman correspond un état spirituel vers lequel il doit cheminer.
Les enseignements de l’Hégire :
Deux modèles d’hégire se présentent à l’esprit. Celle de ‘Omar (que Dieu l’agrée) qui émigra ouvertement, se présentant devant la kaaba en défiant les notables de la Mecque : « Quiconque veut faire de son épouse une veuve, de ses enfants des orphelins ou quiconque veut que sa mère le perde, qu’il me rejoigne derrière cette colline !! »
L’hégire du Prophète (psl) était au contraire d’une très grande discrétion, méticuleusement organisée, l’exemple même de l’ingéniosité de la planification humaine. Pourquoi tant de précautions alors que Mohammad (psl), en tant que Prophète, bénéficie de la protection divine ?!
L’émigration de ‘Omar (que Dieu l’agrée) est différente de celle du Prophète (psl). En effet, ‘Omar (que Dieu l’agrée) ne représente que sa propre personne. Son choix n’engage en rien les autres musulmans, d’autant plus que pour la plupart d’entre eux, ils n’avaient ni la force ni le courage de ‘Omar (que Dieu l’agrée) pour émigrer ouvertement.
Quant au Prophète (psl), il représente le modèle à suivre. Il aurait bien pu émigrer ouvertement, mais dans ce cas, son choix aurait engagé tous les musulmans qui, en dépit de leurs sexes, de leurs âges ou de leurs forces, auraient été ainsi dans l’obligation d’émigrer ouvertement, ce qu’un grand nombre parmi eux n’aurait pu supporter.
De plus, à travers l’Hégire, le Prophète (psl) a donné à sa communauté une leçon d’organisation et de planification :
1- Pour induire en erreur ses détracteurs, il demanda à son cousin ‘Ali ibn Abi Talib (que Dieu l’agrée) d’enfiler son vêtement dans lequel il dormait habituellement et de dormir à sa place. La ruse du Prophète (psl) a réussi bien qu’elle était susceptible d’être découverte. En effet, un homme qui vit le Prophète (psl) sortir de chez lui dit aux hommes postés devant la porte :
Par Dieu, Mohammad (psl) est sorti devant vous, ne remarquez-vous pas que chacun d’entre vous a de la terre sur sa tête ?! Chacun mit la main sur la tête et réalisa qu’il s’y trouvé effectivement de la terre. Puis, ils regardèrent à l’intérieur et observèrent ‘Ali allongé à la place du Prophète (psl) enveloppé de son habit. Ils dirent alors : Par Dieu, voici Mohammad (psl) entrain de dormir enveloppé de son habit. Ils restèrent alors à leur place jusqu’au matin. C’est alors qu’ils virent ‘Ali se lever et dirent : cet homme nous disait vrai !
En dépit de l’extrême confiance que place le Prophète (psl) place en son Seigneur, cela ne l’a pas empêché de prendre les précautions qui sont de son ressort. D’autre part, au moment où Dieu empêcha la vue du Prophète (psl) en sortant de chez lui et leur imposa le sommeil au point de passer tranquillement devant eux, la volonté divine fit en sorte qu’un homme observe le Prophète (psl) et en informe ses ennemis, et c’est ainsi que Dieu protégea son Prophète (psl), non pas par miracle, mais par le monde des causes à travers la planification humaine.
2- Le Prophète (psl) se présenta chez Abou Bakr (que Dieu l’agrée) à l’heure du midi, au moment de la sieste, où les rues sont désertes à cause de la chaleur, sachant que l’Hégire a eu lieu au début du mois de septembre, le dernier mois de l’été. Ce qui indique l’extrême discrétion du Prophète (psl). Il mit en place avec Abou bakr (que Dieu l’agrée) le plan de l’hégire.
3- Puis, le Prophète (psl) et Abou Bakr (que Dieu l’agrée) sortirent de nuit par une ouverture située à l’arrière de chez Abou Bakr (que Dieu l’agrée), car il est fort probable que la maison d’Abou Bakr (que Dieu l’agrée), en particulier la porte d’entrée, soit sous surveillance étant donné le lien d’amitié qui lie ces deux hommes.
1- Puis, le Prophète (psl) et Abou Bakr (que Dieu l’agrée) sortirent de nuit par une ouverture située à l’arrière de chez Abou Bakr (que Dieu l’agrée), car il est fort probable que la maison d’Abou Bakr (que Dieu l’agrée), en particulier la porte d’entrée, soit sous surveillance étant donné le lien d’amitié qui lie ces deux hommes.
2- Puis, ils se dirigèrent vers la grotte de Thaour à l’opposé de la direction de Médine où les recherches seront certainement concentrées. Cette grotte se trouve dans la montagne du même nom située à environ onze kilomètres de la Mecque et difficilement accessible.
3- Abou Bakr (que Dieu l’agrée) chargea son fils ‘Abdoullah de collecter les informations à la Mecque pendant la journée pour les communiquer au Prophète r de nuit. En effet, la durée du séjour dans la grotte et la suite des opérations dépendent de la connaissance concrète des plans de l’ennemi.
4- Quant à Asma, fille d’Abou Bakr (que Dieu l’agrée), elle assurait l’approvisionnement du Prophète (psl) et d’Abou Bakr (que Dieu l’agrée) en nourriture. Une femme enceinte, dans les derniers mois de grossesse, ne pouvait être soupçonnée de parcourir une telle distance pour escalader une montagne aussi difficile !
5- Abou Bakr (que Dieu l’agrée) chargea son domestique ‘Amir ibn Fahira d’effacer les traces laissées par ‘Abdoullah et Asma à l’aide de son troupeau.
6- Le séjour du Prophète (psl) et d’Abou Bakr (que Dieu l’agrée) a duré trois jours. Cette durée fut étroitement liée aux informations communiquées par ‘Abdoullah. En plus, le prolongement du séjour aurait pu éveiller les soupçons quant aux déplacements de ‘Abdoullah et d’Asma.
7- Malgré la planification minutieuse du Prophète (psl), malgré la ruse et la discrétion dont il a fait preuve, les mecquois finirent par parvenir à la grotte en question. Un homme s’arrêta devant la grotte. « Il nous voit » dit Abou Bakr. « Non » dit le Prophète (psl), les Anges nous protègent des leurs ailes ». Puis, l’homme se mit à uriner dans leur direction. Le Prophète (psl) dit alors à AbouBakr : « S’il nous voyait, il n’aurait jamais fait cela ». Dans la version de al-Boukhari, Abou Bakr dit : « Ô Prophète de Dieu, si l’un d’eux venait à baisser le tête, il nous verrait ». Le Prophète (psl) dit : « Que penses-tu de deux dont Dieu est le troisième ! ». Dieu dit à ce sujet : « Si vous ne lui portez par secours …Allah l’a déjà secouru, lorsque ceux qui avaient mécrul’avaient banni, deuxième de deux. Quand ils étaient dans la grotte et qu’il disait à son compagnon : « Ne t’afflige pas, car Allah est avec nous » Allah fit alors descendre sur lui Sa sérénité « Sa sakina » et le soutint de soldats que vous n’avez pas vus » (Le repentir : 40).
Ainsi, l’attention divine est intervenue une fois que le Prophète r a épuisé tout ce qui relevait de ses capacités humaines. Le Prophète (psl) nous enseigne d’une manière pratique le sens du « tawakkoul », à savoir, entreprendre toutes les causes possibles puis s’en remettre à Dieu. Déployer toute son énergie, tous ses efforts sans pour autant croire que le succès ne soit dû à ces efforts. Les savants disent : « Délaisser les causes est un péché, mais s’en remettre est de l’idolâtrie ». L’effort t’incombe, mais le succès est accordé par Dieu. Dieu te jugera pour ton effort et ta sincérité, non pas pour le résultat, car ce dernier lui appartient.
8- Auparavant, Abou Bakr (que Dieu l’agrée) avait loué les services d’un guide expérimenté, digne de confiance en dépit de son incroyance, un certain ‘Abdoullah ibn Ourayqit. Il lui confia leurs deux chameaux pour les entretenir jusqu’au moment de leur sortie de la grotte. En sortant, ce guide emprunta un chemin en direction du sud, vers le Yémen, avant de se diriger à l’Ouest, vers le Sahel. Puis, dans un souci de discrétion, il prit la direction de Médine en empruntant un chemin secondaire inhabituel, vers le Nord, en longeant la mer rouge.
A travers tous ces préparatifs, toute cette planification minutieuse pour dérouter ses détracteurs, le Prophète (psl) nous apprend deux choses essentielles :
Premièrement, il nous définit le sens du véritable « tawakkoul » et rectifie par la même les fausses conceptions de cet élément fondamental de la foi musulmane qui consistent à croire que le fait de prendre des précautions traduirait un manque de confiance en Dieu et contredirait, par conséquent, la notion du « tawakkoul ». L’évènement de l’Hégire nous démontre qu’au contraire, se lancer dans l’action sans préparation, sans planification ni organisation n’est pas du « tawakkoul » mais de l’inconscience.
Deuxièmement, il nous inculque l’esprit d’organisation et de planification indispensable pour toute action constructive.
« En effet, vous avez dans le Messager de Dieu un excellent modèle (à suivre), pour quiconque espère en Dieu et au Jour dernier et invoque Dieu fréquemment » (Les coalisées : 21)
Moncef Zenati.